Québec (province). Scandales. Affaire Earl Jones. (Autorité des marchés financiers du Québec)

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Jones (Bertram Earl). Homme d'affaires (consultant en finance) né en 1942. Élevé sur l'avenue Hampton dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce de Montréal. Études à la West Hill High School (Notre-Dame-de-Grâce) et à la Concordia University de Montréal. Débute sa carrière au Service de gestion du patrimoine et de testaments du Montreal Trust. De 1977 à 1986, il exploite une compagnie sous le nom de Earl Jones and Associates au 4999 rue Sainte-Catherine Ouest à Westmount. En 1984, il fonde la compagnie Earl Jones Consultant and Administration Corporation à Pointe-Claire. Recrute sa clientèle dans les résidences de personnes âgées en leur promettant un meilleur rendement sur leurs placements et en prenant à son compte la gestion de leurs finances. Lui et son épouse, Maxine, achètent leur première maison à Beaconsfield ; le couple achète leur deuxième maison dans l'enclave Gables Court au bord du lac Saint-Louis à Beaconsfield, un appartement à Boca Raton, Floride, États-Unis et un cottage sur le terrain de golf Le Maître à Mont-Tremblant. Membre du club de golf Royal Montreal de l'Île-Bizard (20 000 $ pour l'inscription + frais annuels de 6 000 $). Membre du Conseil d'administration de la fondation du Lakeshore General Hospital de Pointe-Claire. Au cours de sa carrière, Jones a été nommé exécuteur testamentaire d'environ 100 successions. Environ 90 % des testaments des clients de Jones ont été préparés par l'étude légale de Gordon McGilton.


Entre 1978 et 2007, Jones s'est présenté 23 fois en Cour supérieure pour faire authentifier des testaments non notariés.

2000
Gordon McGilton, l'avocat de Earl Jones est forcé de démissionner du Barreau pour avoir soutiré de l'argent de ses clients et l'avoir investi dans des entreprises douteuses.
2004
Jones convainc des veuves propriétaires de leur résidence de les hypothéquer de nouveau afin de lui permettre d'investir leur capital dans des prêts à meilleur rendement.
2006
(28 décembre) Earl Jones et son épouse renouvellent les hypothèques de leur appartement de Dorval et de leur cottage de Mont-Tremblant pour 800 000 $.
2007
(Avril) reconnu coupable d'une fraude de 1,5 M $ à l'endroit de 15 de ses clients dont la Old Brewery Mission, sa paroisse, la Society for the Prevention of Cruelty to Animals et la Christian Blind Mission, l'avocat Gordon McGilton est condamné à 15 mois de prison, 2 ans de probation et 180 heures de travaux communautaires.
2008
(juin) Ayant constaté que des transactions faites par Jones n'étaient pas compatibles avec un compte en fiducie, la succursale de Beaconsfield de la Royal Bank of Canada suggère à Jones de changer son immense compte en fiducie en un compte commercial qui lui permettra de faire le genre de retraits qu'il effectue de son compte en fiducie.
2009
(Janvier) Earl Jones encaisse tous ses investissements personnels, ses RÉER et assurances-vie.
(9 avril) Earl Jones rencontre son frère Bevan, âgé de 70 ans, et la conjointe de ce dernier, Frances Gordon, dans leur résidence de Montcalm, Laurentides, et leur emprunte 13 000 $, soit disant pour un bon ami qui voulait s'acheter un bateau et qui attendait une importante somme d'argent ; le prêt serait remboursé avec un taux d'intérêt appréciable.
(Mai) Les clients de Jones commencent à s'énerver ; les chèques qu'ils espèrent sont retardés, à découvert ou la banque demande qu'ils soient certifiés.
(Juin) Les chèques émis par Earl Jones sont retournés aux bénéficiaires pour insuffisance de fonds par la banque. Des clients ne reçoivent pas leur paiement régulier
(9 juin) L'Autorité des marchés financiers-AMF obtient la permission de geler les comptes de banque de Jones ; l'avocat de Pamela Stewart demande la saisie des actifs de Jones ; les comptes sont vides.
(8 juillet) Des investisseurs alarmés par la réception de chèques sans fonds et les appels sans réponses au bureau de Earl Jones communiquent avec l'Autorité des marchés financiers. Christina Ross et sa soeur tentent vainement d'encaisser 3 chèques de 31 932 $ faits par Jones.
(9 juillet) Deux comptes de Jones sont fermés à la Banque de Montréal-BM faute de fonds.
(10 juillet) L'AMF fait geler les autres comptes de banque de Jones mais constate qu'ils sont déjà pratiquement vides.
(10 juillet) Un message enregistré sur le répondeur de Jones informe les clients que «their funds cannot be paid at this time and that phone calls and mail cannot be answered'. Jones a disparu et l'argent de ses clients avec lui (entre 50 et 100 M $).
(12 juillet) Plus de 100 des clients de Jones se rencontrent et découvrent que les autorités n'ont pas grand chose à dire sur Jones qui est disparu avec leur argent.
(13 juillet) RSM Richter, le syndic chargé de retrouver l'argent de Jones annonce que le «general ledger» de Jones est disparu (ce document est la clé de ce qui est entré et de ce qui est sorti de la compagnie de Jones.
(14 juillet) Des huissiers perquisitionnent les résidences de Christine Jones, la fille de Earl Jones, résidente de l'avenue Grosvenor de Westmount, et la résidence de la belle-soeur de Jones, sur l'avenue Oxford à Notre-Dame-de -Grâce.
(15 juillet) L'Autorité des marchés financiers-AMF confie le dossier de Jones à la Sûreté du Québec-SQ. La Sûreté du Québec-SQ commence à interroger les relations de Earl Jones (victimes, parents ou professionnels) et invite ceux qui se croient victime de fraude à appeler les policiers locaux. Les clients de Jones sont distribués en 3 groupes : 1. les bénéficiaires de testaments administrés par Jones, 2. les personnes qui ont remis la gestion de leur argent à Jones et 3. les personnes qui ont prêté de l'argent aux bénéficiaires de testaments en utilisant les actifs de testament comme garanties collatérales.
(17 juillet) La Sûreté du Québec annonce qu'elle est en charge de l'enquête.
(19 juillet) Maxine Jones et ses 2 filles majeures émettent un communiqué rédigé par une firme de relation publique dans lequel elles affirment «being devastated by what he has apparently done to his clients and are experiencing shock, grief, shame and outrage»
(21 juillet) Jeffrey Boro, un avocat dont les services ont été retenus par Earl Jones déclare que Jones est au Canada, qu'il a passé quelques jours auprès de sa fille au Massachusetts et qu'il est à la disposition de la police.
(27 juillet) Jones est arrêté et menotté par des agents de la Sûreté du Québec au bureau de son avocat Jeffrey Boro dans le Vieux-Montréal.
Christina Ross présente une requête à la Cour supérieure du Québec pour mandater RSM Richter comme syndic de faillite afin de saisir tous les actifs personnels de Jones, y compris son condominium de Dorval (665 300 $), un condominium à Boca Raton, Floride (292 000 $ US), un townhouse à Mont-Tremblant (412 000 $), un codominium à Barnstable, Massachusett (224 500 $), ses automobiles et ses comptes de banque.
L'audition de cette requête est fixée au 19 août 2009.
(28 juillet) Jones comparaît à la Cour du Québec pour répondre à 8 accusations de fraude et de vol ; il aurait détourné de 30 à 50 M $ grâce à une combine «à la Ponzi*».
Jones est libéré sous un cautionnement de 30 000 $ comptant fourni par son beau-frère, Raymond Meikle. Il doit revenir devant le tribunal le 28 septembre 2009.
(29 juillet) Une requête pour la mise en faillite de la Earl Jones Consultant and Administration Corp. et la saisie de tous les actifs de cette compagnie est soumise à la Cour supérieure. Parmi les victimes de Jones on trouve Judy Hazlet, James Heywood, Diane McLean, Christine Marlow, Mary Martin, Ted et Nancy Pappin, Jean Rollinson, Robin Whitrod, Doria Babbington (100 000 $), Margaret Davis (200 000 $), Mary Sue et Robert Gibson (78 000 $), Catherine Handfield (1 million $), Christiane Jackson (2 millions $), Heather Lague (40 000 $), la succession de Peter Lindsay - Pamela Lindsay Stewart, Lynda Lindsay et John Lindsay - (6,45 millions $), Danielle Octeau-Manouvrier (20 000 $), Jinnie et Wendy Nelles (1,5 million $), la succession de Graham Harrison Ross - les soeurs Cristina, Ann et Madeleine Ross - (177 000 $), Bunny Storey, la veuve de Red Storey, un ancien arbitre de la Ligue nationale de hockey-LNH (500 000 $), Charlie Washer (125 000 $). La plupart des victimes étaient des amis ou des connaissances de longue date de Jones.
(3 août) Le ministre du Revenu du Canada indique qu'il considère la situation des victimes de Jones comme une catastrophe et que son ministère examinera chaque cas afin que ces contribuables qui sont en retard dans l'acquittement de leurs impôts puissent, s'il y a lieu, être exemptés des pénalités et des intérêts s'il est établi que les retards sont dus à la négligence de Jones à les acquitter alors qu'il en avait reçu le mandat de la part de ses clients ; dans ces cas, le ministre entrevoit également de permettre l'échelonage des paiements lorsque les moyens financiers des victimes ne leur permettent pas d'acquitter leur dette en un seul versement.
(18 août) Le syndic de la faillite révèle le tableau suivant des appropriations faites par Jones de 1987 à 1999, en 2008 et en 2009 :

Transferts des comptes de Earl Jones Consultant and Administration Corp. trust accounts à Earl Jones et à sa famille pour des fins personnelles :

Paiements à Earl Jones 2 985 000 $
Paiements à Maxine Jones 881 000 $
Paiements à Earl et Maxine Jones conjointement780 000 $
Achats de biens immobiliers912 000 $
Achats d'automobiles169 000 $
Réparations, entretien et fournitures61 000 $
Frais scolaires593 000 $
Retraits en espèces886 000 $
Paiements des cartes de crédit personnelles530 000 $
Autres dépenses personnelles290 000 $
Total8 087 000 $




Autres paiements

Transferts au compte de la compagnie2 426 000 $
Investissements dans diverses affaires1 063 000 $
Autres178 000 $
Transferts aux Bermudes497 000 $
Total4 164 000 $
Grand total12 251 000 $




Les données pour les années 2000 à 2007 ne sont pas encore disponibles.

(19 août) Earl Jones est officiellement déclaré en faillite personnelle par le registraire des faillites.
Le syndic saisit 2 automobiles et 3 condominiums lourdement hypothéqués enregistrés conjointement en son nom et au nom de son épouse, Maxine.
(9 septembre) Les créancier exigent l'expulsion de Jones du condominium de 665 000 $ qu'il occupe avec sa femme à Dorval.
(11 septembre) Jones est évincé de sa résidence qui est saisie par le syndic.
(4 décembre) La résidence de Jones est mise en vente au prix de 329, 428 $.
2010
(13 janvier 2010) La Sûreté du Québec remet au procureur de la couronne et au procureur de Jones 158 dossiers de fraude qui s'ajoutent aux dossiers pour lesquels Jones est déjà accusé de fraude et vol.
(15 janvier 2010) Jones, 67 ans, reconnaît sa culpabilité à 2 accusations de fraude de 50,3 millions $ à l'endroit de 158 personnes dont il avait pris charge de tout ou partie des épargnes entre 1982 et 2009. Il prend le chemin des cellules en attendant le prononcé de sa sentence ; le procureur de la Couronne et celui de Jones se sont entendus pour recommander à la juge Hélène Morin une sentence de 11 ans de prison.
(5 février 2010) Une demande de recours collectif de 50,3 M $ est présentée contre la Banque Royale du Canada au nom des victimes de Jones parce que, selon les allégués, la Banque, depuis 2001, aurait laissé Jones utiliser le compte Earl Jones in Trust pour des retraits personnels et que ce n'est qu'en 2008 qu'elle a finalement demandé à Jones de changer la nature de ce compte.
(15 février 2010) Jones est condamné à 11 ans de prison.
(14 juillet 2010) La Cour supérieure du Québec autorise un recours collectif de 40 M $ contre la Banque Royale du Canada dont la succursale de Beaconsfield aurait manqué à son devoir de personne raisonnable ; le compte de banque en fidéicommis de Earl Jones était établi à la succursale de Beaconsfield de la Banque Royale ; il en retirait des sommes à son bénéfice personnel ; selon les requérants, la Banque n'aurait pas dû laisser Jones sortir de l'argent du compte en fidéicommis.
2011
(24 mars 2011) Le Sénat adopte un projet de loi émanant de la Chambre des communes qui vise les criminels à cravate. La libération automatique au sixième de la peine de prison imposée est abolie de façon rétroactive. Ainsi Jones ne pourra recouvrer la liberté conditionnelle avant 44 mois.
(28 mars) Sanction de la loi adoptée par le Sénat le 24 mars précédent ; cette loi étend au 1/3 de la peine le moment de la libération statutaire des condamnés ; jusque-là, ce délair était au 1/6 e de la peine dans les cas de crimes non violents..
(Juin 2011) La Banque Royale offre un règlement de 25 % des montants réclamés ; ce qui, après déduction des frais du recours collectif équivaut à 15 % des sommes perdues par les clients de Jones.
(8 juillet 2011) Revenu Canada commence à rembourser les impôts pays par les clients de Jones sur les intérêts qu'ils n'avaient jamais touchés.
2012
(6 mars 2012) La Banque royale du Canada s'entend hors cours avec les participants au recours collectif et leur remboursera un total de 17 M $ sans admission de responsabilité de sa part..
(2 juillet 2012) RBC Valeurs mobilières et deux de ses conseillers sont condamnés à une amende de 700 000 $ par l'Autorité des marchés financiers après avoir reconnu qu'ils avaient failli à leur devoir de protection des intérêts de leurs clients dans l'affaire Earl Jones.
(9 janvier 2014) La juge Sophie Bourque, statuant sur une requête d'une douzaine de détenus qui contestaient l'application des nouvelles règles (Loi modifiant la loi sur le système correctionnel) à leur endroit, décrète que l'aspect rétroactif des nouvelles règles contrevenait à la Charte des droits et libertés du canada puisqu'il punit les détenus une deuxième fois ; la juge a conclu que la douzaine de requérants qui avaient été déclarés coupables avant l'entrée en vigueur des changements prévus à la loi qui abolissait le droit à la libération conditionnelle au sixième de la peine adoptée par la Chambre des communes et sanctionnée le 28 mars 2011 étaient détenus illégalement et que les changements apportés ne s'appliquaient pas aux sentences imposées avant le 28 mars 2011 ; la juge a ordonné à la Commission des libérations conditionnelles de procéder à l'étude du dossier des requérants en fonction des anciennes règles
2014 (Février) Earl Jones est éligible à la libération conditionnelle au sixième de sa peine.
(20 mars 2014) La Commission nationale des libérations conditionnelles accorde à Jones une libération conditionnelle du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines après 4 ans de détention sur sa sentence de 11 ans ; il ne pourra pas s'éloigner à plus de 50 km de sa résidence et devra se rapporter à un officier de probation chaque semaine pendant le reste de la durée de la sentence qui lui a été imposée. et il lui est interdit d'entrer en contact avec l'une ou l'autre de ses victimes ou leurs familles et ne pourra travailler dans aucun domaine de la finance.
(14 avril 2014) Jones demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles de lui permettre d'entrer en contact avec certaines de ses victimes ; la comission refuse , mais stipule qu'il pourrait en être autrement si l'une ou l'autre de ses victimes exprimaient le désir d'entrer en contact avec lui ; ces victimes devront cependant en faire la requête et alors la Commission pourrait permettre quelques exceptions.









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