Shafia (Mohammad)

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Arrive au Canada en 2007 en provenance d'Afghanistan et s'établit à Montréal avec sa famille.

Le 30 juin 2009, les cadavres de quatre femmes, les filles de Mohammad Shafia, Zainab Shafia, 19 ans, Sahari Shafia, 17 ans et Geeti Shafia, 13 ans, et Rona Amir Mohammad, 52 ans, la première épouse de Mohamad Shafia, sont trouvés dans une automobile Nissan Sentra submergée sous 3 m d'eau au bout de l'écluse Kingston Mills du canal Rideau près de Kingston (Ontario) ; la position des corps ne permet pas à la police d'identifier le conducteur, mais celui de Geeti Shafia était derrière le volant, celui de Zainab Shafia flottait au-dessus du siège avant droit du véhicule et ceux de Sahar Shafia et de Rona Amir Mohammad étaient en position assise à l'arrière du véhicule.
Le 22 juillet 2009, Mohammad Shafia, 56 ans, Tooba Mohammad Yahya, 39 ans, sa deuxième épouse et Hamed Mohammad Shafia, 18 ans, leur fils, sont appréhendés à Montréal et accusés de complot pour meurtre et des meurtres prémédités des 4 femmes.
Victimes et accusés appartiennent à une même famille et sont originaires de Kaboul, Afghanistan ; la famille Shafia était de religion islamique de confession chiite alors que la première épouse de Shafia était islamique de confession sunnite ; la famille avait obtenu le droit d'immigrer au Québec en vertu d'un programme favorisant les immigrants investisseurs; tous résidaient dans un immeuble locatif sur la rue Bonnivet du quartier Saint-Léonard de Montréal en attendant de déménager à Candiac où le père faisait construire une maison.
Rona Amir Mohamad était la première épouse de Mohammad Shafia, celui-ci avait répudié cette première épouse parce qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant ; il n'avait pas divorcé mais avait quand même épousé Tooba Mohammad Yahya qui sera la mère de ses 7 enfants (Zainab, Sahari, Geeti, Hamed et trois autres enfants de 16, 14 et 8 ans recueillis par la Direction de la protection de la jeunesse après l'arrestation de leur père et mère) ; la première épouse de Mohammad Shafia qui vivait avec le reste de la famille aurait demandé en vain le divorce à son mari qui selon la religion islamique avait seul le pouvoir de le demander ; il semble également que Zainab aurait fait une fugue de 2 semaines avec un Pakistanais, ce qui aurait jeté le déshonneur sur la famille ; des photos de Sahar en petite tenue et la découverte de condoms dans la chambre que Sahar partageait avec Rona, avaient enragé leur père Mohammad Shafia.
Lors d'une entrevue avec les médias, Tooba Mohammad Yahya affirmait que les décès résultaient probablement d'un accident causé par l'inexpérience de Zania qui aurait conduit la voiture sans permis au moment du drame; elle affirme que Rona Amir Mohammad était la tante des enfants ; Mohammad Shafia avait de son côté raconté que lui et sa famille revenaient d'un voyage à Niagara Falls dans deux automobiles et avaient passé la nuit dans un motel de Kingston où, le matin à son lever, il avait constaté que l'autre automobile n'était plus dans le stationnement de l'hôtel.
L'enquête menée par la police de Kingston révèle que l'automobile des victimes avait été conduite par l'un ou l'autre des 3 accusés.
Le 1er août 2009, le journal The Gazette fait état de rumeurs à l'effet que Zainab aurait épousé Ammar Wahid, 26 ans, d'origine pakistanaise en mai 2009, mais ses parents l'auraient convaincue de terminer ce mariage immédiatement après la cérémonie religieuse ; Zainab aurait été fiancée 18 mois plus tôt à un autre homme que ses parents acceptaient, mais elle aurait brisé les fiançailles au bout de 6 mois. Zainab se préparait à annoncer ses fiançailles avec Hussain Hyderi, 27 ans, le 1er juillet 2009, soit le lendemain de ce qui est devenu le jour de son décès.
Durant le weekend du 25 juillet, Hamed Shafia est victime d'un assaut de la part de codétenus du Quinte Detention Center de Napanee (Ontario) où il séjourne en attendant son procès.
Le 26 février 2010, à la suite d'une enquête préliminaire tenue à Kingston, Mohammed Shafia, son épouse Tooba Mohammad Yahya Shafia et son fils Hamed Shafia sont formellement accusés de 4 meurtres prémédités.
Les Shafia, originaires de Kaboul, Afghanistan avaient immigré au Canada en 2007 après avoir séjourné au Pakistan, en Australie et à Dubaï à partir de 1992 ; au cours du procès, Shahzrad Mojab, une Iranienne immigrée au Canada en 1970 et professeure au département de psychologie de l'Université de Toronto a expliqué au jury ce qu'est un crime d'honneur ; elle a dit que dans certaines cultures patriarcales, la femme est considérée comme la propriété de l'homme et elle doit se soumettre aux règles qu'il a établies. Celle qui enfreint les règles ternit l'honneur de l'homme et s'expose à le payer de sa vie. En cas de non respect du code, le déshonneur rejaillit sur l'homme et sa famille. Et le moyen de rétablir l'honneur est de verser le sang ; alors, les victimes sont les filles ou les femmes et les agresseurs le père ou le fils aîné qui assume les droits et devoirs du père absent.
Au milieu d'octobre 2010 le procès des accusés commence devant le tribunal présidé par le juge Robert Maranger de la Cour supérieure de l'Ontario ; la couronne est représentée par Me Laarhuis et Me Laurie Lacelle ; la défense est assumée par Me Peter Kemp.
Chose rare lors d'un procès au Canada, les accusés Mohamed Shafia et Tooba Mohammad Yahya témoignent pour leur propre défense ; ils se présentent comme un père et une mère aimants et compréhensifs qui n'avait toujours désiré que le bonheur de leurs enfants ; Mohamed affirme que la charia défend de tuer. Tooba Mohammad Yahya, la mère des victimes tente de convaincre le jury que tout allait bien dans sa famille et qu'aucune restriction religieuse n'était imposée à leurs filles.
Le 30 janvier 2012, après avoir délibéré pendant 15 heures, un jury déclare Mohamed Shafia, Tooba Mohammad Yahya et Hamed Shafia coupable de 4 meurtres prémédités ; le trio est condamné à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de leur peine derrière les barreaux ; Hamed Shafia annonce qu'il demandera à la Cour d'appel du Québec d'annuler le verdict et la condamnation à son endroit.
Le 3 février 2012, Mohamed Shafia annonce qu'il interjette appel du verdict et de la sentence en invoquant que le juge n'aurait pas dû admettre en preuve par ouï-dire des déclarations des victimes et le témoignage d'un expert sur le crime d'honneur en plus de contester certains éléments de l'adresse du juge aux Jurés. Lui et son fils Hamed sont transférés au pénitencier de Kingston en attendant les décisions des tribunaux.
Le 13 octobre 2015, le trio Shafia présente un recours en appel à la Cour d'appel de l'Ontario ; le trio allègue avoir été victime d'un profilage ethnique et que le juge Maranger a accepté la présentation d'éléments de preuve extrêmement préjudiciable qui n'aurait pas dû être acceptés ; il accuse le juge Maranger d'avoir donné des directives erronées et d'avoir omis d'en donner d'autres, ce qui aurait entraîné le jury à tirer des conclusions erronées. Le trio réclame la tenue d'un nouveau procès.
Le 27 novembre 2015, Hamed Shafia réclame à la Cour supérieure de l'Ontario d'être jugé comme un mineur parce qu'il n'était pas encore âgé de 18 ans au moment des assassinats et en conséquence, il déclare être né en Afghanistan le le 30 décembre 1991 ; si la Cour accepte cette demande, Hamed ne sera pas passible d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans dans le cas des majeurs, mais plutôt avant un délai plus court dans le cas des mineurs.
En janvier 2016, Mohammad Shafia, Tooba Yahia et Hamed Shafia sont reconnus coupables des meurtres de Zainab Shafia, Sahar Shafia, Geeti Shafia et Rona Amir Mohammad, la première épouse de Mohamad Shafia.
Le 2 mars 2016, Mohammad Shafia, Tooba Yahia et Hamed Shafia adressent une requête à la Cour dappel de l'Ontario afin qu'elle ordonne la tenue d'un nouveau procès. Pendant le procès, le procureur de la Couronne avait affirmé que les quatre personnes décédées avaient été victimes d'un crime d'honneur perpétré en réaction à un comportement perçu comme ayant apporté le déshonneur à la famille. Invoquant les stéréotype culturels dont ils se croient victimes et de «preuves très préjudiciables qui n'auraient jamais dû être admise è leur procès, les Shafia demandent à la Cour d'appel de l'Ontario de réviser leur verdict et leur sentence.
Le 2 novembre 2016, la Cour d'appel de l'Ontario refuse d'entendre la demande des Shafia.

  • Bibliographie :


Without Honor (essai, Rob Tripp, 2016)

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