Prisme d'Yeux (manifeste artistique)

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Le texte du manifeste, publié le 4 février 1948, est signé par les artistes suivants : Louis Archambault, Léon Bellefleur, Jean Benoît, Jacques Godefroy De Tonnancour, Albert Dumouchel, Gabriel Filion, Pierre Garneau, Arthur Gladu, Lucien Morin, Marie «Mimi» Parent, Alfred Pellan, Jeannine Rhéaume, Goodridge Roberts, Roland Truchon et Gordon Webber.


Du mouvement de ces dernières années, Prisme d'Yeux: mouvement de mouvements divers, diversifiés par la vie même.
Aucune esthétique nouvelle, spéciale et spécialisante! (régionalisation sur le plan de l'esprit).

Le mouvement n'embarque personne dans une galère où tous, esclaves d'une théorie possessive à démontrer, rameront sans voir par devant ni même par derrière, sans espoir de faire le point.

Au contraire, Prisme d'Yeux se rallie à la plus ancienne esthétique, à la plus éprouvée, à la plus contemporaine d'aujourd'hui comme à l'époque des cavernes; celle qui ouvre toutes les voies, souvent opposées mais également possibles et vraies comme le jour et la nuit, le feu et l'eau... Donc la plus révolutionnaire!

Prisme d'Yeux s'ouvre à toute peinture d'inspiration et d'expression traditionnelle. Nous pensons à la peinture qui n'obéit qu'à ses plus profonds besoins spirituels dans le respect des aptitudes matérielles de la plasticie picturale.

Nous cherchons une peinture libérée de toute contingence de temps et de lieu, d'idéologie restrictive et conçue en dehors de toute ingérence littéraire, politique, philosophique ou autre qui pourrait adultérer l'expression et compromettre sa pureté.

Peinture pure? - Si l'on veut.

Mais purifier l'expression ne réduit pas la valeur humaine de l'oeuvre. C'est plutôt l'élever à son état supérieur d'où s'étendra davantage son rayonnement.

L'expérience picturale de chacun - c'est notre profond désir - doit appartenir à la vie, et par conséquent. devenir inhérente à toute autre expérience vitale dont elle sera la projection.

Comment peut-elle autrement atteindre au titre d'universelle.

Exigeants sur ces points, Prisme d'Yeux veut croître par sélection naturelle et réunir les forces saines de notre peinture qui s'orientent nettement dans ce sens.

Prisme d'Yeux ne s'organise pas contre un groupe ou un autre. Il s'ajoute à toute autre société qui cherche l'affirmation de l'art indépendant et n'exclut nullement le privilège d'appartenir aussi à ces groupes.

C'est en toute objectivité mais sans prudence que Prisme d'Yeux recrute ses membres. Il ne juge qu'en fonction de l'intensité et de la pureté de leurs oeuvres en regard de la tradition.

L'admission d'un nouveau membre ne se décide pas par la voix d'un chef (Prisme d'Yeux n'en a pas) ni d'un comité d'administration mais par la voix de tout le groupe au trois quarts favorable.

En plus nous avons, à l'unanimité, rejeté la formation d'un jury qui, ailleurs, filtre les envois de ses membres avant chaque exposition. Par cette décision nous laissons à chaque membre admis la pleine responsabilité non partagée - aux yeux du public - par les autres. Mais aux yeux du groupe il engage son honneur. Nous croyons ainsi promouvoir l'auto-critique, maintenir des valeurs maxima et vivre de cette ambition.

P. S, des auteurs de La Mémoire du Québec : Nous avions publié le manifeste Refus global, mais sur ordre de la succession de Paul-Émile Borduas, nous avons été contraints de le retirer de nos pages. Nous regrettons sincèrement de l'avoir publié.

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