Québec (province). Commission Bastarache re : Nomination des juges ; Marc Bellemare (2010)

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges du Québec.


Personnages cités dans cette entrée

Bellemare (Marc). Homme de loi (avocat) né en 1957 à Saint-Hyacinthe. Études à l'Université de Montréal-UdeM. Avocat spécialisé dans le domaine de l'assurance automobile. Député du Parti libéral du Québec-PLQ de Vanier à l'Assemblée nationale du Québec-ANQ (14 avril 2003-27 avril 2004). Ministre de la Justice (29 avril 2003-27 avril 2004) dans le cabinet de Jean Charest. En octobre 2003, il doit s'expliquer sur les agissements de sa fille aînée après qu'une radio de Québec eut révélé que cette dernière avait déjà travaillé dans un bar de danseuses nues suspecté d'avoir des liens avec le crime organisé. Constatant que les principaux projets de réforme qu'il pilotait (abolition de la responsabilité sans faute lors d'accidents d'automobile) ne recevaient pas l'appui du gouvernement même s'ils faisaient parti du programme électoral du Parti libéral lors de la campagne de 2003, il démissionne comme ministre et comme député le 27 avril 2004. Candidat défait à la mairie de Québec en 2005 (11 % des voix), puis en 2007 (3,8 % des voix). Il est à l'origine de l'affaire de la nomination des juges du Québec et des membres de tribunaux administratifs. Voir Québec (province). Scandales. Affaire Marc Bellemare-Charest. (J) (P) (ASC)

Fava (Franco). Homme de loi (avocat) et homme d'affaires (entrepreneur de construction) né en 1949 en Calabre (Italie). Arrive au Québec avec sa famille en 1958. Études à la McGill University (droit) et à la Concordia University (commerce). Conseiller juridique et administratif de la compagnie Neilson Excavation de la région de Québec appartenant à son père (1981-2000) ; en 1983, il rachète la compagnie de son père et la rebaptise Neilson Construction en 2000 et il en sera président jusqu'à 2008. Membre représentant du Conseil du patronat au conseil d'administration de la Commission de la santé et sécurité du travail (1987-2008). Membre du conseil d'administration de la Société générale de financement du Québec (1987-1994). Président du comité des relations de travail de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Grand argentier du Parti libéral du Québec pour l'est du Québec. En 2003, il obtient un contrat de 200 M $ avec la firme EBC pour la construction de la centrale hydrélectrique de Péribonka et un contrat de 20 M $ pour la dérivation de la rivière Rupert etc.

Conjoncture.

La loi de l'assurance automobile du Québec adoptée en 1978 sur proposition de Lise Payette.

Avant : Accident de la route, poursuite souvent contre des insolvables.
Après : Accident de la route, aucune poursuite, l'État assure une indemnisation aux victimes de blessures corporelles et impose l'obligation de détenir une assurance de dommages au bien d'autrui et compenser les victimes sans avoir à prouver la faute des personnes impliquées.

Pour lui, il est scandaleux que des gens reconnus coupables de négligence criminelles à l'occasion d'un accident d'automobile reçoivent une compensation en prison payée par l'État s'ils ont subi des blessures à l'occasion de cet accident.

L'avocat Bellemare est spécialisé dans les causes d'accidents d'automobile et d'accident de travail.

Il entreprend une campagne pour faire amender la Loi de l'assurance automobile.

Jean Charest considère que Bellemare serait un atout pour sa campagne de 2003 ; Bellemare mord à l'hameçon, mais il aurait fait promettre à Charest d'amender la Loi de l'assurance automobile afin de permettre aux victimes de poursuivre les coupables pour les dommages réels subis par la négligence de ces derniers.

Le 14 avril 2003, le Parti libéral du Québec remporte les élections générales et Marc Bellemare est élu député libéral de Vanier à l'Assemblée nationale du Québec-ALQ.

Le 29 avril 2003, Marc Bellemare est assermenté comme ministre de la Justice dans le cabinet de Jean Charest.

En octobre 2003, Marc Bellemare doit s'expliquer sur les agissements de sa fille aînée après qu'un poste de radio de Québec eut révélé que cette dernière avait déjà travaillé dans un bar de danseuses nues soupçonné d'avoir des liens avec le crime organisé.

Le 27 avril 2004, constatant que les principaux projets de réforme qu'il pilotait (abolition de la responsabilité sans faute lors d'accidents d'automobile) ne recevaient pas l'appui du gouvernement même s'ils faisaient parti du programme électoral du Parti libéral lors de la campagne de 2003, Bellemare démissionne de son poste de ministre de la Justice et de son poste de député de Vanier.

En 2005, Marc Bellemare fonde le Parti Vision Québec et présente sa candidature à la mairie de la ville de Québec et ne remporte que 11 % des voix. Madame Andrée Boucher est réélue maire de Québec.

En 2007, à la suite du décès de madame Andrée Boucher, il présente de nouveau sa candidature à la mairie de la ville de Québec et ne remporte que 3,8 % des voix. Régis Labeaume est élu maire de Québec.

À la mi-mars 2010, Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice du Québec (2003-2004), soutient savoir des choses sur les liens financiers entre le Parti libéral du Québec-PLQ et l'industrie de la construction qui pourraient embarrasser le gouvernement.

Quelques jours plus tard, il affirme qu'à l'automne 2003 et au printemps 2004, il avait soulevé auprès du premier ministre Charest des questions d'irrégularités dans le financement du PLQ.

Le Directeur général des élections Marcel Blanchet annonce qu'il convoquera Marc Bellemare afin qu'il s'explique. Bellemare refuse de répondre à cette convocation accusant monsieur Blanchet d'être un mercenaire à la solde du premier ministre Charest.

À la fin de mars 2010, le premier ministre Jean Charest met Bellemare au défi de révéler publiquement ce qu'il sait au sujet d'irrégularités dans le financement du Parti libéral du Québec-PLQ.

Le 12 avril 2010, dans une suite d'entrevues au quotidien Le Soleil, à la télévision de CBC/Radio-Canada et au réseau de télévision TVA, Marc Bellemare affirme que des bailleurs de fonds du Parti libéral du Québec l'avaient amené à proposer 3 candidats à la magistrature du Québec. Il affirme qu'il avait vu un collecteur de fonds pour le Parti libéral du Québec remettre 4 liasses de billets de banque et une liasse de chèques au directeur du Parti libéral du Québec au restaurant Michelangelo de Québec et qu'une autre fois il avait vu de l'argent comptant être remis par le même entrepreneur à la permanence du Parti à Québec ; le collecteur de fonds aurait été Franco Fava, un entrepreneur en construction de Québec ; Bellemare affirme avoir fait part de ces faits au premier ministre Jean Charest qui a fait la sourde oreille.

Dans ses déclarations, il fait état du pouvoir qu'exercerait Franco Fava dans la nomination de juges ou de fonctionnaires ; Monsieur Fava révèle avoir recommandé la nomination de Gérard Bibeau au poste de greffier du conseil exécutif, le fonctionnaire le plus haut gradé du Québec.

N.B. Les juges suivants ont été nommés alors que Marc Bellemare était ministre de la Justice du Québec : Suzanne Vadeboncoeur, Marc Bisson, Line Gosselin Després, Carole Brosseau ; Marc Bellemare dit qu'il n'était pas d'accord avec la nomination de Marc Bisson, Line Gosselin Després et Carole Brosseau, mais qu'ils ont quand même été nommés par le Gouvernement du Québec. Marc Bisson est le fils d'un collecteur de fonds du Parti libéral du Québec-PLQ dans la région de l'Outaouais.

Le 13 avril 2010, le comité exécutif du Barreau du Québec considérant comme graves les accusations de Bellemare sur un possible trafic d'influence dans le processus de nomination des juges, demande au syndic d'enquêter sur les éléments soulevés par Marc Bellemare.

Le 13 avril 2010, Jean Charest envoie une mise en demeure formelle à Bellemare de retirer ses allégations avant 16 h le 13 avril 2010 ; monsieur Charest en a particulièrement contre une affirmation de Bellemare disant que Jean Charest ment comme il respire».

Le 14 avril 2010, Jean Charest annonce la formation d'une commission d'enquête pour faire la lumière sur les affirmations de Marc Bellemare concernant la nomination des juges.

Le 14 avril 2010, Jean Charest intente une poursuite en diffamation de 700 000 $ contre Marc Bellemare qui n'a pas retiré ses allégations.

Le 14 avril 2010, le Directeur général des élections assigne Marc Bellemare pour l'entendre sur les irrégularités dans le financement du Parti libéral du Québec.

Le 14 avril 2010, l'ex juge de la Cour suprême du Canada, Michel Bastarache, est nommé président de la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges au Québec. Me Bastarache fait partie du cabinet d'avocat Heenan Blaikie de Montréal où oeuvre également Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec, dont la conjointe, Hélène de Kovachich est présidente du Tribunal administratif du Québec ; Pierre Marc Johnson est à ce moment négociateur du Québec dans le projet de partenariat économique Canada-Union Européenne.

Le 15 avril 2010, Marc Bellemare s'adresse à la Sûreté du Québec-SQ pour y enregistrer une plainte formelle.

Le 16 avril 2010, au cours d'une émission animée par Paul Arcand à 98.5 FM de Montréal, madame Kathleen Weil révèle que depuis qu'elle est ministre de la Justice, elle a consulté le premier ministre avant de recommander la nomination des juges.

Le 20 avril 2010, le Directeur général des élections ouvre une enquête sur le financement du parti qu'a fondé Marc Bellemare en 2005 pour briguer les suffrages à la mairie de Québec ; Pierre Bibeau, un de ses anciens organisateurs a révélé qu'il a servi de prête-nom pour un prêt de 10 030 $ au Parti Vision Québec de Marc Bellemare.

Le 21 avril 2010, Marc Bellemare présente une requête à la Cour supérieure du Québec pour obtenir l'annulation de l'assignation qu'il a reçue du Directeur général des élections le 14 avril précédent ; il invoque le fait qu'il ne peut témoigner de faits qu'il a connus en sa qualité de ministre sans avoir été délié de son serment de ministre par le Conseil exécutif de la province ; selon lui, la demande du Directeur général des élections est illégale parce qu'il ne peut discuter des faits survenus durant l'année où il a été ministre (2003-2004).

Le 15 mai 2010, le journal Le Devoir rapporte que Marc Bellemare juge que la composition de la commission d'enquête est une affaire de clique et n'est pour lui «qu'un piège à cons». Il critique la nomination de Michel Bastarache de la firme d'avocats Heenan Blakie et celle de Pierre Cimon, qui a contribué à la caisse électorale du Parti libéral du Québec-PLQ depuis les années 1980, l'un des avocats choisis par Michel Bastarache.

Le Parti Québec solidaire révèle que de 2003 à 2008, le personnel (employés, associés, cadres) de la firme Heenan Blakie a contribué 303 180 $ au Parti libéral du Québec-PLQ et que ce bureau a reçu 2 155 183 $ d'honoraires du Gouvernement du Québec.

Le 18 mai 2010, Me Pierre Cimon qui avait été choisi par Michel Bastarache pour agir comme procureur-chef de la commission démissionne à la suite d'allégations qu'il avait contribué régulièrement à la caisse du Parti libéral du Québec-PLQ.

Le 14 juin 2010, la Commission Bastarache reçoit les demandes des personnes physiques ou morales qui veulent être admise comme participantes aux travaux de la commission, ce qui leur permettra de contre interroger les témoins et d'en faire convoquer s'il y a lieu ; le Commissaire annonce que sa commission examinera la nomination des juges depuis 2000, donc en partie lorsque le Parti québécois-PQ formait le Gouvernement ; Me Bellemare annonce qu'il refusera de comparaître s'il est assigné par la Commission ; il affirme que le Commissaire est biaisé par le fait qu'il fait partie d'un bureau d'avocat de Montréal dont plusieurs juges sont échus et qu'il a été choisi par le premier ministre Charest qui a intenté une poursuite en libelle contre lui.

Le 15 juin 2010, la Commission annonce qu'elle examinera les nominations faites entre 2000 et 2010 (la commission veut comparer les nominations faites sous le gouvernement du Parti québécois avec celles du gouvernement du Parti libéral) ; elle refuse à l'Opposition officielle le statut de partie participante en affirmant que l'Opposition officielle est une entité transitoire dont le travail est essentiellement politique et doit s'effectuer dans le cadre de l'Assemblée nationale. (NDLR : on dit que si le Parti québécois avait demandé le statut de partie participante il l'aurait probablement obtenu comme le Parti libéral du Québec).

Le 18 juin 2010, le Directeur général des élection conteste la requête de Bellemare qui vise l'annulation de l'assignation qu'il lui a fait parvenir ; il invoque que son enquête porte sur les déclarations de Marc Bellemare au sujet du financement du Parti libéral du Québec et n'a rien à voir avec les informations et les documents qu'il a pu recueillir en tant que ministre.

Me Bellemare met en doute l'indépendance de Me Giuseppe Batista, le procureur général de la Commission vu qu'il pratique le droit dans le même bureau que Me Gilles Ouimet, bâtonnier du Barreau du Québec.

Le 2 juillet 2010, à la demande expresse de Me Michel Bastarache, afin qu'ils puissent témoigner librement devant sa commission, un décret du Gouvernement du Québec relève de leur serment de confidentialité l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare, le premier ministre, Jean Charest, le ministre de la Sécurité publique et ancien ministre de la Justice Jacques Dupuis, le président de l'Assemblée nationale, Yvon Marcoux, la ministre de la Justice, Kathleen Weil, l'ancien secrétaire général du Conseil exécutif, André Dicaire et le secrétaire général du Conseil exécutif, Gérard Bibeau.

Le 4 juillet 2010, Marc Bellemare indique au journal Le Soleil que, malgré le fait qu'il a été délié de son serment, il refuse toujours de témoigner devant la Commission Bastarache et qu'il prendra tous les moyens juridiques à sa disposition pour ne pas y être contraint.

Le 23 juillet 2010, Robert Leckey, le directeur de la recherche et membre de la commission Bastarache, annonce que la commission a retenu les services de
Geneviève Cartier, professeure de droit de l'Université de Sherbrooke-UdeS
Jocelyn Maclure, professeur à la faculté de philosophie de l'Université Laval à Québec-ULQ
Roderick A. Macdonald professeur de droit constitutionnel et droit public de la McGill University
Peter McCormick, professeur de l'University of Lethbridge, Alberta.

Le 29 juillet 2010, le juge Yves Alain de la Cour supérieure du Québec rejette la requête de Bellemare d'annuler l'assignation du directeur général des élection et lui ordonne de répondre aux questions qui lui seront posées en relation avec le financement du Parti libéral du Québec ; le juge Alain juge la requête prématurée et que Bellemare a commis un abus de procédure en tentant de faire annuler cette assignation ; Bellemare, qui doit répondre au Directeur général le 20 août déclare qu'il s'adressera à la Cour d'appel du Québec pour faire casser le jugement du juge Alain ; ce dernier a décrété que sa décision était applicable immédiatement nonobstant appel.

Le 30 juillet 2010, Bellemare demande à la Cour supérieure d'annuler la Commission Bastarache parce que, selon lui, elle est illégale, abusive et biaisée et parce qu'elle est un geste de vengeance de la part du premier ministre Jean Charest ; il allègue que Charest était en conflit d'intérêt, qu'il n'était pas digne d'occuper la position de premier ministre et que le Conseil des ministres avait agi illégalement, avait abusé et avait excédé son pouvoir en acceptant d'instituer la commission Bastarache. Bellemare affirme que Charest n'a institué cette commission que pour ses fins personnelles avec l'intention évidente de le favoriser dans son action en diffamation.

Le 31 juillet 2010, Bellemare demande au syndic du Barreau de décréter que Me Bastarache n'a pas l'indépendance nécessaire pour exécuter son mandat à la commission de manière impartiale parce qu'il appartient au cabinet d'avocat Heenan Blaikie qui entretien des liens étroits avec le gouvernement Charest

Le 11 août 2010, Bellemare affirme que Charest dirige une république de bananes et affirme qu'il a été l'objet d'une filature de la part de la Sûreté du Québec après qu'il eut fait les déclarations concernant la nomination des juges. La Sûreté du Québec affirme que Bellemare n'a pas été l'objet de filature de sa part, mais qu'elle a essayé, sans succès de le rencontrer le plus rapidement et le plus discrètement possible à la suite de ses allégations.

Le 12 août 2010, Bellemare abandonne son recours visant à faire annuler la Commission Bastarache. Bellemare prétend qu'il a obtenu la promesse que son témoignage sera public ; ce que nie la Commission Bastarache dans la même journée. Il affirme qu'il comparaîtra devant le directeur général des élections du Québec le 30 août 2010 s'il obtient la même immunité que celle qu'il a obtenue pour son témoignage devant la commission Bastarache. En rejetant la requête de Bellemare d'annuler le subpoena du Directeur général des élections, le juge Yves Alain affirme que lorsque Bellemare a dénoncé les méthodes de financement du Parti libéral, il le faisait comme citoyen et non comme ancien ministre.

Le 13 août 2010, le cabinet du premier ministre Jean Charest indique que celui-ci n'accordera pas l'immunité à Bellemare qui doit comparaître devant le Directeur général des élections pour répondre aux questions sur le financement du Parti libéral du Québec-PLQ.

Le 19 août 2010, le procureur général du Québec demande à la Cour supérieure de refuser le désistement de Bellemare dans sa requête pour faire cesser les travaux de la Commission Bastarache ; elle demande à la Cour de décider de la requête ; la juge Alicia Soldevila annonce qu'elle ne se prononcera pas sur le désistement avant le 24 août, date à laquelle Bellemare doit comparaître devant la commission. (N.B. Un désistement, lorsqu'il est accepté par le tribunal ferme le dossier et le magistrat qui a entendu la cause n'a pas à rendre le verdict). Cette décision ferme la porte à une autre demande éventuelle de sursis de la part du requérant.

Le 24 août 2010, Bellemare, témoignant devant la Commission Bastarache, affirme que Jean Charest lui a ordonné de nommer 3 juges que les financiers du Parti libéral du Québec, Franco Fava et Charles Rondeau, lui recommandaient ; en 2003, il s'agissait de Marc Bisson nommé juge à la Cour du Québec, division criminelle, à Longueuil et du juge Michel Simard élevé au poste de juge en chef adjoint de la Cour du Québec à Québec ; en 2004, il s'agissait de Line Gosselin*-Després nommée juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse à Québec ; Charest aurait dit à Bellemare : «S'il (Fava) te dit de nommer Bisson et Simard, nommes-les» ; il admet cependant avoir nommé d'autres juges sans qu'il y ait eu d'intervention du premier ministre. Il affirme que, lorsqu'il a démissionné, Charest lui a dit «Tu sais que tu as un serment ministériel. Fava, Rondeau, les juges, l'argent...cela n'existe pas. Tu n'as pas le droit de parler de ça». Au cours de la même journée, le premier ministre Charest réfute les allégations de Bellemare en affirmant que «Je sentais le besoin de réaffirmer ce que j'ai déjà dit, je ne voulais pas laisser une information comme celle-là sans que les Québécois puissent entendre, de ma bouche, que jamais je n'ai été, moi ou mon gouvernement, l'objet d'influences indues». «Monsieur Bellemare n'a pas soulevé avec moi la question d'influences indues dans la nomination des juges. J'ai encore moins dit à M. Bellemare d'accepter une nomination parce qu'il était sous pression de qui que ce soit». «jamais M. Bellemare n'a soulevé cette question (des nominations) et encore moins qu'il faisait l'objet de pressions indues».

Le 31 août 2010, Michèle Saint-Onge, la syndique du Barreau, décrète qu'à la suite de l'enquête qu'elle a faite à la demande de Marc Bellemare et d'un citoyen de Québec, Marc Villeneuve, elle en est venue à la conclusion que son enquête «ne révèle aucune apparence de conflit d'intérêt en lien avec l'exercice par Me Bastarache de ses fonctions d'avocat» et qu'il «n'existe aucun lien particulier entre lui et le premier ministre Jean Charest».

Le 1er septembre 2010, Bellemare demande et le juge Bastarache lui accorde, le statut de participant à la Commission d'enquête ; ce qui permettra à ses avocats de contre-interroger la quarantaine de futurs témoins convoqués par la commission.

Le 2 septembre 2010, Bellemare présente une demande reconventionnelle de 900 000 $ en produisant sa défense à l'action de 700 000 $ intentée par Jean Charest le 14 avril précédent.

Le 8 septembre 2010, Gérard Bibeau, le greffier du conseil exécutif du Québec (sous-ministre du premier ministre) témoigne devant Me Bastarache ; il avait été auparavant chef de cabinet du ministre du Travail Norman Cherry, cadre supérieur, puis président de la Commission de la santé et sécurité au travail-CSST, secrétaire général associé du conseil exécutif affecté aux emplois supérieurs et responsable de l'ensemble des nominations du Gouvernement. Monsieur Bibeau affirme connaître Franco Fava depuis une vingtaine d'années alors que l'un et l'autre étaient impliqués dans la Commission de la santé et sécurité au travail-CSST.

Le 23 septembre 2010, le premier ministre Jean Charest témoignant devant la commission, nie tout ce que Bellemare avait avancé et fait passer ce dernier comme un instable.

Le 2 octobre 2010, Me Giuseppe Batista, avocat de la Commission, dépose une disquette contenant l'agenda de monsieur Bellemare pour la journée du 2 septembre 2003 et 2 CD-ROM sur lesquels sont gravés les procès-verbaux de l'assemblée du Parti libéral du comté de Vanier tenue le même jour. Les CD-ROM établissent que monsieur Bellemare assistait à l'assemblée de ses partisans de Vanier à 19 h et la disquette établit qu'il a eu un rendez-vous avec monsieur Charest à 19 h 30.

Le 13 octobre 2010, les avocats des différents intervenants présentent leur argumentation.

Le 24 novembre 2010, La Presse révèle que le Directeur général des élections du Québec a dressé 8 constats d'infraction concernant des contributions politiques illégales versées au parti municipal de Marc Bellemare lors de l'élection à la mairie de Québec en novembre 2005 ; les enquêteurs ont découvert que 4 entreprises ont fait des dons au Parti Vision Québec de Bellemare, ce qui est contraire à la loi.

Le 3 décembre 2010, le directeur général des élections émet un communiqué de presse qui affirme ce qui suit : «Il ressort du témoignage de Me Bellemare qu'il n'a été témoin d'aucune collecte d'argent qui serait contraire aux dispositions de la Loi électorale. De même, il ne peut témoigner ni citer de fait concret laissant croire que des contraventions à cette loi auraient été commises. Aucune suite ne sera apportée à ce dossier». Bellemare déclare que «cette institution-là a un sérieux problème de crédibilité»... «Parce que si c'est toujours comme ça qu'ils mènent leurs enquêtes, on peut comprendre qu'au Québec il y ait beaucoup de scepticisme entourant le financement des partis politiques».

Le 19 janvier 2011, le juge Bastarache publie son rapport d'enquête.

«Le 28 février 2011, Marc Bellemare annonce qu'il a retiré l'action en dommage de 900 000 $ intentée contre le premier ministre Charest et sa requête pour faire annuler la Commission Bastarache en échange de l'abandon par le premier ministre de son action de 700 000 $ intentée contre lui.

Le 16 mars 2011, Marc Bellemare publie l'état des dépenses qu'il a dû assumer en frais d'avocats pour l'action intentée par Charest et celle qu'il a lui-même intentée contre Charest et demande que Charest fasse de même ; il veut savoir si les honoraires de l'avocat de Charest ont été assumés par Charest ou par quelqu'un d'autre.

Le 21 juillet 2011, le Barreau annonce qu'il ne portera aucune plainte contre Bellemare devant le Comité de discipline de la profession.

Ce qui suit est le verbatim de la nouvelle publiée le 20 janvier par Radio-Canada.


«Bastarache insiste sur l'amélioration du système

Le commissaire Michel Bastarache commentant son rapport.

Le processus de sélection et de nomination des juges en vigueur au Québec est « perméable aux interventions et influences de toutes sortes, qu'il s'agisse de démarches de députés, de ministres, de membres de partis politiques, d'avocats, ou des candidats eux-mêmes », conclut le commissaire Michel Bastarache.

Le président de la Commission d'enquête sur le processus de nominations des juges a dressé ce constat dans un rapport de 290 pages, comprenant 46 recommandations, qu'il a rédigé au terme d'audiences tenues dans un « climat délétère et un scepticisme généralisé » et rendu public mercredi.

« Pour contrer les perceptions négatives dans la population, le processus de sélection et de nomination des juges doit mettre de l'avant de manière évidente pour tous la notion de mérite et les autres valeurs essentielles pour le système de justice. Ce processus doit aussi être conçu de manière à minimiser les possibilités d'influences étrangères au mérite qui pourraient s'introduire dans le processus », souligne le commissaire Bastarache.

De nouvelles lois ou de nouveaux règlements, dit-il, doivent être conçus de manière à minimiser la possibilité que des « influences étrangères au mérite » ne viennent pervertir le processus.

Ces règles devraient obliger les candidats à la magistrature à dévoiler leur allégeance politique, le cas échéant, par souci de transparence. Elles devraient cependant établir sans ambiguïté que cette allégeance ne doit en aucun cas être prise en compte.

De manière générale, ajoute le commissaire Bastarache, « le processus de sélection et de nomination actuel n'a pas évolué au même rythme que les exigences de la population en matière de transparence ». Ce processus manque de transparence, dit-il, «tant à l'étape de la sélection par le comité qu'entre le moment où les candidats sont déclarés aptes par le comité et celui où la décision est prise par le Conseil des ministres ».

Le commissaire Bastarache dit aussi avoir constaté plusieurs autres « insuffisances » du processus :

Le fonctionnement du comité de sélection n'est soumis à aucune norme;
Le choix des représentants du public n'est pas encadré et rien n'est prévu pour assurer leur sélection et leur formation;
l'information demandée à ceux qui soumettent leur candidature n'est pas standardisée;
des préoccupations liées à la confidentialité du rapport du comité de sélection ont également été soulevées;
L'allégeance politique des candidats, ou le fait de connaître des représentants du parti politique au pouvoir, peut entrer en ligne de compte;
il n'existe aucune norme législative ou réglementaire quant au cheminement du dossier, ni quant à la conduite que doivent avoir le ministre de la Justice, le premier ministre, les membres de leur personnel politique ou les autres intervenants, notamment à l'égard des personnes qui peuvent être consultées pour les fins d'une recommandation en vue d'une nomination;
il n'existe aucun critère pour guider le ministre en ce qui concerne ses recommandations. Sur ces aspects, chaque ministre de la Justice a pu adopter ses propres lignes directrices.
Michel Bastarache dit être d'avis qu'il faut maintenir les deux étapes du processus actuel, qui repose sur la sélection des candidats jugés aptes à la magistrature par un comité indépendant, et sur une nomination effectuée par le Conseil des ministres.

Ce système, dit-il, présente « plusieurs avantages, tels l'efficacité, la flexibilité et la protection de la confidentialité des candidatures ». Selon le commissaire, «tout transfert du pouvoir de nomination du politique à des membres d'une commission ou organisme qui ne répond pas de ses décisions au public serait discutable ».

Michel Bastarache a refusé de se prononcer sur les deux thèses qui prévalent au sujet du processus actuel : l'une avance que le choix d'un juge revient au ministre de la Justice, et que le Conseil des ministres ne fait que la confirmer; l'autre soutient plutôt que le ministre recommande une personne, et que le choix final revient au gouvernement.

Le commissaire affirme que les deux thèses « peuvent être valablement soutenues dans une démocratie parlementaire », mais qu'il revient à l'Assemblée nationale du Québec de faire un choix conforme à la philosophie politique du Québec.

«Ce vacuum législatif et réglementaire est vraisemblablement responsable des interprétations différentes par les acteurs de leur rôle et responsabilités », conclut Michel Bastarache.

L'ex-juge à la Cour suprême du Canada n'a répondu à aucune question des journalistes pour ne pas nuire aux poursuites entre Marc Bellemare et le premier ministre Jean Charest, qui sont toujours devant les tribunaux.

LES RECOMMANDATIONS DU COMMISSAIRE BASTARACHE

Un processus à améliorer

Le commissaire propose une réforme du comité indépendant pour la sélection des candidats, en créant deux instances permanentes :

Un comité permanent pour la sélection des juges de la Cour du Québec et des cours municipales, constitué de 30 membres nommés pour trois ans, qui choisirait les personnes pouvant être recommandées pour une nomination.
Un secrétariat permanent à la sélection et à la nomination des juges, dont la fonction serait d'administrer le travail du comité permanent et de choisir les membres représentant le public au sein de cette instance.
Des principes directeurs à établir

Le commissaire énumère un certain nombre de principes devant guider la procédure de nomination :

Sélectionner les juges en se fondant exclusivement sur le mérite.
Maintenir l'imputabilité politique dans la nomination des juges.
Favoriser la présence de tous les groupes sociaux afin de refléter la diversité de la société.
En ce qui concerne la discrétion ministérielle :

L'Assemblée nationale devra trancher si le ministre de la Justice peut ou non consulter le premier ministre ou les autres ministres dans le choix des juges.
Dans le cas d'une consultation, le rôle du personnel politique devra être encadré et les débats évités au Conseil des ministres.
Le commissaire estime que le ministre de la Justice devrait pouvoir faire des consultations auprès de diverses personnes, entre autres des juges ou des avocats, susceptibles de fournir une information pertinente aux critères de nomination. Cela exclut cependant les solliciteurs de fonds, les employés ou les membres d'un parti politique.
Créée le 14 avril 2010, la commission Bastarache a entendu dans le cadre de ses travaux 58 personnes, dont 39 témoins et 19 experts et représentants institutionnels. Le preuve compte 150 pages et le rapport du commissaire, 290.

Journalistes : François Messier et Veronica Lê-Huu»

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