Roberge (Benoit)

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Éphémérides :


2001
(Automne 2001) Benoît Beaudry, un ex membre des Bandidos, est condamné à 7 ans de prison au Nouveau-Brunswick pour le passage à tabac d'un vendeur de drogues.
2002
(Été 2002) Benoît Beaudry décide de collaborer avec la police
(Octobre 2002) Beaudry est condamné à 8 ans de prison dans le cadre de l'Opération Amigo.
(2003) Beaudry signe un contrat de délateur en retour du versement de 500 $ par semaine durant les deux premières années suivant sa libération.
(2004) Libéré au sixième de sa peine, Benoît Beaudry vit sous une fausse identité.
En octobre 2012, René «Baloune» Charlebois fait les arrangements pour que son ami puisse enregistrer ses conversations avec le détective Benoît Roberge en utilisant un troisième appareil téléphonique hors les murs du pénitencier. Charlebois trouva le moyen de fournir à Roberge un téléphone cellulaire afin que Roberge puisse faire ces communications sensibles à partir de son chalet dans les Cantons-de-l'Est. Cet ami de Charlebois affirme qu'une semaine après que Charlebois eut quitté la prison de la Montée Saint-François de Laval, l'ami informe Roberge que ses conversations avaient été enregistrées. L'ami dit que Roberge prit panique et s'inquiéta de perdre son épouse et sa pension; le même jour, cet ami fit la même déclaration à la police.
2013
Le 14 septembre 2013, à 20 h, lors d'un appel nominal des détenus de la prison à sécurité minimum de la Montée Saint-François à Laval, les gardiens s'aperçoivent que René «Baloune» Charlebois, qui y purge une peine de prison à vie, est absent ; Charlebois s'était évadé.
Le 16 septembre 2013, l'analyse des appels téléphoniques faits par Charlebois entre le 15 août et le 14 septembre 2013, rèvèle que Charlebois avait fait 11 appels à un numéro de cellulaire. Des agents de la SQ appellent ce numéro et apprennent qu'il appartient au sergent détective Benoît Roberge. La SQ rencontre Roberge après cette découverte.
Le 17 septembre 2013, la SQ obtient un mandat d'enregistrer secrètement les appels au ou du cellulaire de Roberge.
Le 18 septembre 2013, la SQ obtient un mandat pour obtenir du fournisseur téléphonique de Roberge la liste de tous les appels de Roberge.
Roberge accepte de rencontrer la SQ à ses bureaux de Mascouche. La rencontre dure près de 2 heures.
Le 20 septembre 2013, La SQ commence la filature d'un homme à qui Charlebois avait souvent téléphoné alors qu'il était détenu à la prison de la Montée Saint-François à Laval ; cet homme et un autre homme prennent livraison d'un sac de bois de chauffage à une quincaillerie, puis prennent une commande de poulet dans un restaurant Saint-Hubert BBQ ; les policiers suivent les deux hommes jusqu'à l'endroit d'une rampe de lancement de bateau à Sorel ; quand l'automobile des deux hommes revient, la SQ s'aperçoit que l'homme que Charlebois appelait fréquemment n'est pas dans l'auto ; une heure plus tard, la SQ découvre que le cellulaire qu'il soupçonnait Charlebois de posséder avait été utilisé dans les environs de l'île aux Fantômes, une île accessible par bateau seulement.
Le 25 septembre 2013, la SQ apprend qu'une nouvelle carte SIM avait été placée dans le même cellulaire. et avait été utilisée pour appeler de l'île Guèvremont, une autre île de Sorel sur laquelle il n'y a que deux résidences et qui est reliée par un pont avec l'île aux Fantômes.
Le 26 septembre 2013, vers 1 h 15, certains que Charlebois est sur l'île Guèvremont, les agents de SQ pénêtrent dans l'une des deux résidences ; alors qu'il se sait coincé par les agents, Charlebois se suicide dans un chalet sur l'îlet au Pé, l'une des îles située en face de l'île aux Fantômes à Sainte-Anne-de-Sorel. Selon le calcul de peine, Charlebois aurait été admissible à une libération conditionnelle totale en 2016.
Le détective Benoit Roberge qui craignait que Charlebois le dénonce, aurait fait courir la rumeur que ce dernier était un indicateur de la police ; ce qui pourrait expliquer le suicide de Charlebois qui n'aurait pas voulu retourner en prison et y vivre à côté de gens du milieu qui ne tolèrent pas les indicateurs de police.
La Sûreté du Québec ayant appris que Charlebois avait enregistré ses conversations avec Roberge, saisit les enregistrements.
Le 30 septembre 2013, l'homme à qui Charlebois avait souvent téléphoné est arrêté après avoir été interrogé par les agents de la SQ ; il admet avoir aidé Charlebois quand celui-ci était en fuite, mais il révèle qu'il avait des renseignements au sujet d'un membre du Service de police de Montréal.
Le 4 octobre 2014, l'homme accepte de faire une déclaration sur video ; il y révèle que, peu avant le suicide de Charlebois, lui et Charlebois avaient enregistré 4 vidéos de Charlebois parlant directement à la caméra dans un chalet de l'île aux Fantômes à Sainte-Anne-de-Sorel ; les hommes affirment que dans la dernière des 4 vidéos Charlebois déclarait que le système de justice était corrompu ; c'est dans cette vidéo que Charlebois allègue que Roberge lui avait vendu des informations pendant 2 ans. On y découvre que Charlebois avait planifié dès 2012 de prendre le contrôle de la vente de drogues dans l'ouest de Montréal et qu'il allait manipuler Roberge pour qu'il l'aide à réaliser son plan. En vertu du plan, un ami de Charlebois allait enregistrer les conversations téléphoniques entre Charlebois et Roberge en utilisant un autre téléphone cellulaire à l'extérieur du pénitencier ; cet ami a révélé que Charlebois fournit un téléphone cellulaire à Roberge ; cet ami déclare qu'une semaine après que Charlebois se fut évadé du pénitencier de la Montée Saint-François, le Hells Angel a informé Roberge que ses conversations avec Charlebois avaient été enregistrées ; pris de panique, Roberge exprima sa crainte de perdre et sa pension et sa conjointe, Nancy Potvin, une procureure de la Couronne oeuvrant au Bureau de lutte contre le crime organisé. Les experts de la SQ confirment que les voix entendues dans les enregistrements sont celles de Charlebois et Roberge. Le 5 octobre 2014, la SQ utilise un agent d'infiltration qui se fait passer pour quelqu'un qui connaissait Charlebois et était en possession des enregistrements de leurs conversations l'agent demande 50 000 $ à Roberge en échange des enregistrements. Roberge accepte de rencontrer l'agent mais mais lui dit qu'il ne pouvait payer que 10 000 $. Roberge avait été suivi et, 30 minutes avant la rencontre organisée, il rencontra un homme que les agents de la SQ qualifient de complice ; la rencontre se déroule dans le parking d'un magasin Bureau en Gros au Centre commercial Dix-30 à Brossard.
Le 5 octobre 2013, la Sûreté du Québec-SQ arrête Benoit Roberge, 50 ans, devenu chef du service du renseignements au ministère du Revenu du Québec au printemps 2013. Roberge a été arrêté après avoir remis les 10 000 $ en échange des enregistrements ; le complice n'a pas été accusé à ce sujet.
La SQ accuse Roberge de gangstérisme, d'abus de confiance, d'entrave à la justice et de tentative d'entrave à la justice pour avoir été un informateur des criminels que la police s'apprêtait à arrêter ; il vendait le renseignement à René Baloune Charlebois pour des sommes variant de 10 000 $ à 35 000 $ selon l'importance de chacun des renseignements vendus.
Charlebois avisait les personnes visées qui, dès lors, disparaissaient de l'endroit que la police s'apprêtait à visiter ; le tout se serait produit à Saint-Denis-de-Brompton entre le 1er janvier 2010 et le 6 octobre 2013 ; deux des opérations manquées : l'Opération Carcan du 23 novembre 2011 visant 3 cellules de trafic de stupéfiant, et
l'Opération Loquace du 1er novembre 2012 visant un consortium d'importateurs et de distributeurs de cocaïne chez les Hells Angels de la Rive-Sud.
À titre de directeur du Service du renseignement de Revenu Québec, Roberge avait accès à des informations délicates.
La conjointe de Roberge, Me Nancy Potvin, est procureure au Bureau de lutte au crime organisé, mais rien n'indique qu'elle était au courant des agissements de son conjoint ; malgré cela, le directeur des poursuite criminelles et pénales la suspend de sa fonction avec solde. La police croit que Roberge aurait ainsi encaissé 500 000 $.
Roberge avait participé activement dans l'enquête et l'utilisation de Dany Kane devenu informateur de police en 1994.
Peu après l'arrestation de Roberge, Me Nancy Potvin, son épouse, est relevée de ses fonctions.
2014
Le 8 janvier 2014, Benoît Roberge ne demande pas de libération sous cautionnement en attendant son procès.
Le 5 février 2014, Sylvain Beaudry, un ex membre des Bandidos qui vit sous une nouvelle identité secrète et qui a agi comme délateur exprime sa crainte que Roberge révèle son identité aux personnes que son témoignage a permis de faire condamner ; lorsqu'il a été arrêté au Nouveau-Brunswick en 2001, il a reçu la visite de Roberge et de l'un des confrères de celui-ci ; à la suite de la pression exercée par Roberge, Beaudry a accepté de devenir délateur et a contribué à l'Opération Amigo qui a permis l'arrestation des derniers bandidos en juin 2002. Beaudry accuse d'anciens enquêteurs de l'Opération Amigo d'avoir intentionnellement donné aux Rock Machine et aux Bandidos des informations ou des adresses de motards liés à leurs ennemis, les Hells Angels, dans l'espoir de provoquer des choses ; les adresses de la résidence de Normand «Casper» Ouimet à Lavaltrie et celle d'un sympathisant des Rockers sur la rue Loranger à Montréal ont été communiquées aux gangs. Il aurait été intercepté alors qu'il avait l'adresse de Ouimet dans sa poche à l'été 2001 ; les policiers l'auraient relâché mais auraient modifier son arme pour qu'elle s'enraye après un seul coup avant de la laisser dans l'auto de Beaudry. Beaudry dit qu'il aime mieux être en prison et n'avoir que la porte de sa cellule à surveiller qu'être en dehors et ne pas savoir de quel côté ça va arriver.
Le 19 février 2014, Benoît Roberge renonce à son enquête préliminaire et il est envoyé à son procès par le juge Robert Marchi ; son procès devrait commencer le 13 mars 2014. Le procureur de la couronne révise l'acte d'accusation ; il vise maintenant la période du 1er octobre 2012 au 1er mars 2013, et la somme qu'aurait reçu Roberge serait de 200 000 $ au lieu des 500 000 $ auparavant cité.
Le 13 mars 2014, Benoit Roberge admet sa culpabilité aux accusations de gangstérisme, d'abus de confiance et d'entrave à la justice pour avoir vendu aux Hells Angels des renseignements sensibles via René «Balloune» Charlebois.
Le 4 avril 2014, Roberge est condamné à 8 ans de prison.
Le 7 juillet 2014, on apprend qu'une maison de Roberge située dans un boisé de Saint-Denis-de-Brompton est mise en vente ; l'évaluation municipale de cette maison et du terrain de 1,5 acre sur lequel elle est construite est de 289 000 $. Le procureur général ne veut saisir le produit de la vente que s'il peut s'assurer que ce que Roberge a déboursé en l'acquérant provenait de l'argent du crime. L'autre maison de Roberge située à Boucherville a une valeur de 350 000 $, mais elle est grevée d'une hypothèque en faveur de l'Association de bienfaisance et de retraite des policières et policiers de la Ville de Montréal.
L'épouse de Roberge a recommencé à travailler comme procureure de la Couronne, mais pas pour le Bureau de lutte contre le crime organisé.
Le 21 août 2016, Roberge demande à la Commission des libérations conditionnelles du Canada d'autoriser son transfert dans une maison de transition. La somme reçue par Roberge serait de 125 000 $ dont il aurait remis 95 000 $ au moment de son arrestation en plus des 10 000 $ qu'il avait alors sur lui.
Le 16 mai 2017, Le Journal de Montréal rapporte que Roberge, qui a passé les 7 derniers mois en maison de transition, pourrait être libéré le jour même.

  • Crédits -


(La Presse, 6 février 2014, page A2 et 13 mars 2014 page A3 ; The Gazette, 4 avril 2014, page A6 ; La Presse, 10 octobre 2015, page A18; Le Journal de Montréal, 16 mai 2017, page 11)

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