Projet Écrevisse. (opération de police ; 6-7 octobre 2010)
Un article de la Mémoire du Québec (2022).
2010
Le 6 octobre 2010, Environ 400 policiers de la Sûreté du Québec et et de la Gendarmerie royale du Canada participent à une rafle policière contre un réseau de vendeurs de drogues qui sévit en Abitibi.
Daniel Savard, 30 ans, un résidant de Saint-Eustache, est arrêté dans le cadre de l'Opération Écrevisse ; l'Opération Écrevisse visait à démanteler 3 réseaux de trafic de stupéfiants opérant en Abitibi-Témiscamingue, armés et parrainés par un chapitre des Hells Angels.
La police saisit 2 kg de cocaïne, 2 kg de haschisch, 30 kg de champignons hallucinogènes plus de 300 plants de cannabis, 5 roches de crack et une trentaine de comprimés de mésemphétamines, 75 armes à feu dont 2 mitraillettes et 12 armes prohibées, un avion, un hélicoptère, 41 véhicules et 905 000 $ en argent comptant.
Des ordonnances de blocage pour un ensemble de propriétés évaluées à 3 M $ ont été exécutées.
51 personnes ont été arrêtées dont 36 appartenaient à la cellule dirigée par Denis Lefebvre. Michel Thibault et Luc Boulet sont deux autres chefs de groupe arrêtés.
Au cours de l'opération, Donald Rancourt, 49 ans, est abattu après qu'il eut pointé une arme en direction des policiers.
de Yves Denis, 33 ans, Denis Lefebvre, 51 ans, Serge «Pom Pom» Pomerleau, 47 ans, et Thierry Béland sont arrêtés dans le cadre de l'Opération Écrevisse et accusés des meurtres prémédités de Johnny Coutu et de Benoît Denis (frère de Yves Denis) ; les 4 hommes auraient été à la tête d'un réseau de distribution de drogues en Abitibi-Témiscamingue. Yves Denis et Denis Lefebvre sont aussi accusés de l'homicide involontaire de Kevin Walter ; Denis, Lefebvre et Serge Pomerleau sont détenus au Centre de détention d'Orsainville en attendant et pendant leur procès qui est tenu à Québec.
2011
Le 2 mars 2011, Daniel Savard est accusé du meurtre non prémédité de Kevin Walter et des meurtres prémédités de Johnny Coutu et de Benoît Denis, de voies de fait graves et de complot pour meurtre.
2012
En décembre 2012, Le Devoir rapporte que l'un des hommes arrêtés lors de l'Opération Écrevissse est devenue délateur et déclare qu'il a vendu de la cocaïne à Michel Girouard et à Marc E. Grimard. Michel Girouard a été nommé juge à la Cour supérieure pour le région de l'Abitibi-Rouyn-Noranda-Témiscamingue en septembre 2010 et Marc E. Grimard a été nommé juge à la Cour du Québec en 2004.
2014
Le 10 mars 2014, Serge Pomerleau, Denis Lefebvre et Yves Denis sont transportés à la prison d'Orsainville où ils seront gardés en détention pendant leur procès qui se tiendra au palais de justice de Québec ; à leur arrivée à cette prison, la Sûreté du Québec avise les autorités du Centre de détention que Pomerleau, Lefebvre et Denis présentaient un très grand danger d'évasion ; les informations contenues dans leur dossier faisaient état «d'un haut risque d'évasion» ; c'est pour cette raison qu'ils avaient été cotés S5 (section 5) soit le plus haut niveau de sécurité dans cet établissement ; en conséquence, ils ne pouvaient quitter leur cellule sans avoir les menottes aux poignets et aux chevilles reliées par une chaîne entre les deux ensembles de menottes ; les menottes aux poignets devaient être verrouillées à double tour par un bloc de sûreté ; ils n'avaient pas accès à la Cour F-Nord.
Le 24 mars 2014, à la suite de 4 requêtes invoquant les difficultés des détenus à communiquer avec leurs avocats, le juge Louis Dionne de la Cour du Québec qui préside le procès des 4 hommes aurait demandé aux autorités carcérales que, pendant les jours d'audience de leur procès, les accusés puissent avoir accès ensemble à des sorties de cour extérieure en soirée, selon la disponibilité du personnel carcéral. Le juge, qui craignait que des mesures de contention trop lourdes ne permettent aux détenus de réclamer l'annulation de leur procès. aurait demandé que les menottes aux poignets soient enlevées pendant les audiences pour que les accusés puissent prendre des notes. Il aurait ordonné que la direction du Centre de détention, fasse le nécessaire pour que les requérants, alors qu'ils sont détenus à l'établissement, puissent communiquer avec leurs avocats en toute confidentialité, à leur convenance, et ce, lorsque la sécurité n'est pas en jeu. Le juge aurait également autorisé Pomerleau à utiliser un ordinateur exclusivement pour consulter la preuve et non pour communiquer avec l'extérieur. Notons que le jour de l'évasion était un samedi et qu'il n'y avait pas alors d'audience de la Cour.
Le 26 mars 2014, un gestionnaire du Centre de détention d'Orsainville responsable du secteur signe un document dans lequel, il abaisse la cote d'Yves Denis de S5 à S3. Pomerleau et Lefebvre ont, par la suite, eu droit au même traitement que Denis ; les détenus ont alors droit à des conditions de détention permettant la préparation d'une défense pleine et entière, ce qui leur permet de circuler ensemble à l'intérieur des murs de la prison sans menottes aux poignets ni aux pieds.
Le soir du samedi 7 juin 2014, Yves Denis, Denis Lefebvre et Serge Pomerleau s'évadent de la prison d'Orsainville grâce à un hélicoptère qui atterrit dans la cour F-nord de la prison d'Orsainville.
Le 9 juin 2014, Lise Thériault, la ministre de la Sécurité publique du Québec affirme que la baisse de la cote de sécurité a été ordonnée par le juge Dionne.
Il semble que les autorités avaient, depuis l'hiver, des informations voulant que les 3 hommes allaient s'évader en hélicoptère ; elles connaissaient même le nom du pilote qui serait Maxime Lefebvre, 26 ans, le fils de Denis Lefebvre.
Maxime Lefebvre avait été arrêté le 20 mars 2014 pour avoir jeté des meubles dans la piscine d'un hôtel de Québec et avait été condamné à une peine de 50 jours de prison qu'il avait purgée au Centre de détention d'Orsainville ; comme il n'était pas considéré à haut risque, Maxime avait eu accès à la cour F-nord. Il connaissait donc les lieux, mais, parce que, lors de l'évasion, le pilote portait une cagoule, il n'est pas alors identifié comme le pilote de l'hélicoptère qui a servi à l'évasion des 3 hommes ; lors de l'enquête sur cette évasion présidée par le juge Louis Dionne, il est révélé que le pilote de l'Hélicoptère était bien Maxime Lefebvre.
Le 13 juin 2014, l'interdit de publication de la décision du juge Dionne est partiellement levé et il apparaît que le juge n'a pas ordonné au Centre de détention d'abaisser la cote de sécurité.
La ministre Thériault confie à Michel Bouchard, ancien sous-ministre de la Justice, une enquête administrative sur les bavures qui ont permis l'évasion des 3 détenus. Me Bouchard avait quitté le ministère de la Justice en raison de différend avec l'ancien ministre Marc Bellemare.
L'Opposition parlementaire réclame en vain la démission de Madame Thériault de son poste de ministre de la Sécurité publique du Québec.
Le procès pour meurtre des 3 évadés se poursuit sans eux ; leurs avocats, invoquant la rupture du lien de confiance avec leurs clients demandent à la cour la permission d'abandonner la cause ; alors que Thierry Béland obtient un procès séparé et d'être jugé à Val-d'Or par un juge seul sous les accusations de complot et trafic de drogues au profit d'une organisation criminelle ; les 3 évadés subissaient aussi leur procès.
Philippe Pomerleau, le père de Serge Pomerleau sera reconnu coupable de complot et d'entrave à la justice à Val-d'Or.
Il avait acheté un téléphone cellulaire pour qu'un tiers enregistre des conversations avec des témoins qu'on tentait de faire taire avant le procès pour meurtre, complot et trafic de drogues de son fils.
Le 22 juin 2014, dans la nuit du samedi à dimanche, vers 1 h 30, les 3 fugitifs, Serge Pommerleau, Denis Lefebvre et Yves Denis sont retrouvés par la police dans une résidence cossue d'un édifice à condominiums de luxe situé au 370, rue Saint-André près du Vieux-Port de Montréal ; les appartements s'y louent à raison de 2 200 $ par mois ; 3 semaines auparavant, un agent d'immeuble avait loué le condo à un homme. La police recherche toujours le pilote de l'hélicoptère.
Le 23 juin 2014, les prisonniers comparaissent sous de nouvelles accusations : bris de prison et évasion de garde légale ; le juge Louis Dionne a d'abord durci les conditions de détention : il a suspendu deux décisions prises le 24 mars qui permettaient une série de privilèges, notamment des sorties conjointes du trio dans la cour extérieure en soirée et l'utilisation d'un ordinateur portable par Serge Pomerleau.
Le 25 juin 2014, les 3 fugitifs sont conduits au Palais de justice de Québec pour la continuation de leurs procès : Yves Denis et Denis Lefebvre sont accusés de complot pour l'homicide involontaire de Kevin Walter le 15 avril 2009 à Rouyn-Noranda. Yves Denis, Denis Lefebvre et Serge Pomerleau sont conjointement accusés de complot pour meurtre et du meurtre prémédité de Johnny Coutu le 13 juillet 2009 à Val-d'Or et de complot pour meurtre et meurtre prémédité de Benoît Denis commis à Saint-Alphonse-Rodriguez en 2010.
Le 30 juin 2014, Johanne Beausoleil, sous-ministre associée aux services correctionnels du ministère de la Sécurité publique part en congé de maladie et est remplacée par Élaine Raza qui sera elle-même remplacée par Yves Galarneau, qui était responsable de la prison de Saint-Jérôme lors d'une évasion en hélicoptère en 2013.
Le 14 juillet 2014, le procès des 3 évadés reprend à Québec.
Le 4 octobre 2014, La Presse rapporte qu'Yves Denis, a avoué avoir été à l'origine du plan d'évasion en hélicoptère le 7 juin 2014. Il affirme que le plan de l'évasion a été confié à un certain Ramirez, un Venezuelien, ancien pilote d'hélicoptère de l'armée qu'il avait connu au fil de ses voyages en Amérique-du-Sud, mais ce n'est pas Ramirez qui pilotait l'hélicoptère lors de l'évasion ; il fut convenu que Lefebvre s'assoirait à côté du pilote pour le cas où quelque chose tournerait mal ; Lefebvre pouvait piloter un hélicoptère.
Le 5 octobre 2014, The Gazette rapporte que Pomerleau, qui témoigne pour sa propre défense, a affirmé que le complot d'évasion avait été initié par Thierry Béland et non par Yves Denis.
Le 31 octobre 2014, Me Michel Bouchard que la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault avait chargé d'examiner les circonstances entourant l'évasion du 7 juin 2014, affirme que la méfiance «est la règle entre les policiers de la Sûreté du Québec-SQ et les responsables des centres de détention et l'information circule au compte-goutte à cause d'une culture du secret dans les deux organisations». Me Bouchard recommande que tous les employés des centres de détention soient fouillés quotidiennement, qu'on lutte davantage contre l'intimidation à l'endroit des gardiens et qu'on augmente la surveillance des prévenus qui sont liés au crime organisé. Le rapport de Bouchard indique aussi que la directrice du centre de détention d'Orsainville aura interprété très largement les directives du juge Louis Dionne qui craignait que des mesures de contention trop lourdes ne permettent aux détenus de réclamer l'annulation de leur procès. Malgré l'opposition de l'agent de la Sûreté du Québec au dossier, et suite à l'approbation par les patrons de celui-ci pour l'abaissement de la cote de sécurité des 3 hommes, la directrice de la prison, Brigitte Girard en colère, avait ordonné que la cote de sécurité des prévenus soit abaissée au même niveau que celle de tous les autres détenus.
Le 19 décembre 2014, trouvés coupables de trafic de drogues, complot et gangstérisme, Yves Denis est condamné à 16 ans de prison, Denis Lefebvre, à 20 ans de prison et à une amende de 1,3 million $ et Serge Pomerleau, à 22 ans de prison et à une amende de 3,2 millions $ ; si Lefebvre et Pomerleau ne payent pas les amendes qui leur sont imposées, la durée de leur emprisonnement sera prolongée.
Le 19 décembre 2014, ils reconnaissent leur culpabilité à l'accusation d'évasion d'une garde légale ; pour ce délit, une sentence de prison additionnelle devrait leur être imposée. Denis Lefebvre et Yves Denis subiront leur procès en janvier 2016 sous l'accusation de complot pour l'homicide de Kevin Walter à Rouyn-Noranda. Ils seront accusés à Montréal de complot pour meurtre et des meurtres de l'ex-notaire Johnny Coutu et de Benoît Denis.